Voilà, les vacances sont là, les enfants peuvent se reposer pendant deux mois. Pour autant, l’avenir de ma progéniture continue de me préoccuper. Quels métiers exerceront-ils demain ? À la lumière d’une actualité récente –l’affaire Dupont de Ligonnès –, une nouvelle profession, ou plutôt discipline, a émergé : celle du stalking. La voici expliquée, à ma manière, et à mon fils ;-)
Mon petit chat,
Je sais bien que tu n’as que 5 ans, mais je pense qu’il serait temps de songer à ta carrière. Tout va tellement vite de nos jours… Tu me faisais part l’autre jour de ton projet de devenir pompier ET chinois. Ton projet me paraît très pertinent, et me prouve que tu as bien saisi les enjeux du monde dans lequel tu évolues. Toutefois, j’ai peur que le marché que tu vises ne soit un peu encombré à l’heure où tu entreras dans la vie active. Il est donc de mon devoir de mère responsable de te suggérer une autre profession, en pleine expansion celle-ci, et qui mériterait ton attention : celle de stalker. Car vois-tu mon fils, le stalking, ou art de stalker (d’un mot anglais signifiant « traquer »), n’en est certes pour le moment qu’à ses balbutiements, mais il est particulièrement prometteur. Je te laisse juge, si je puis dire.
Pour te situer ce nouveau métier, il est à mi-chemin entre le détective et le paparazzi, avec une différence notable : le stalker n’a pas besoin de sortir de chez lui. Ce qui, tu en conviendras, constitue un sacré avantage si l’on considère que Fukushima est parti pour nous pomper l’air pendant encore un paquet d’années. En outre, d’un point de vue bilan carbone, c’est tout bon pour la planète.
Pour exercer sa discipline, le stalker n’a en effet simplement besoin que d’un écran et d’une connexion Internet. Autant dire qu’à ce stade-là, tout le monde peut devenir stalker.
C’est d’ailleurs un petit peu ce qui est en train de se passer : nous sommes tous des stalkers en puissance. Un soupçon de Google, une pincée de Facebook, une louchée d’ennui, et hop, c’est parti pour une petite errance numérique à la sauce 2011 : « Tiens, Machin, il a quel âge au fait ? Oh, zut, il a pas mis sa date d’anniversaire sur son Facebook, il peut pas faire comme tout le monde, ce con ! Ah ben j’ai trouvé sur Copains d’avant. Tiens, il est plus vieux que ce que je croyais ». Ça, c’est du stalking en mode mineur, de base. Du stalking à la Monsieur Jourdain, bouclé en deux minutes chrono, quand on ne sait pas trop quoi faire après avoir mis à jour son profil Facebook. Oui, je suis d’accord avec toi, ça n’a qu’un intérêt très limité. Mais pour peu qu’on soit motivé, on peut faire beaucoup plus fort, mon petit loup : on peut tenter de résoudre une énigme policière. Une vraie ! Participer à un Cluedo virtuel grandeur nature ! Alors, ça te parle déjà un peu plus, mon petit chat ?
Figure-toi, en effet, que cette activité de stalking a été récemment officialisée grâce à (ou à cause de, c’est selon) une affaire dont on te parlera certainement plus tard dans tes cours d’histoire du stalking comme celle ayant été à l’origine des premières vocations : l’affaire dite « Dupont de Ligonnès », du nom de ce père de famille soupçonné d’avoir supprimé toute sa famille. Cette famille ayant, comme tout le monde, laissé des traces numériques avant de disparaître, des internautes lambda se sont mis en tête de retrouver le meurtrier présumé, en épluchant la présence en ligne des membres de cette famille. Ils ont été jusqu’à 3 000 chasseurs de crime à se retrouver sur un groupe Facebook pour échanger des infos sur « l’affaire », contacter les proches de la famille, voire étaler le linge sale des uns et des autres. Certains de ces stalkers en herbe sont même passés à la télé et ont été interviewés dans la presse pour leurs faits d’arme.
Forcément, dans ces conditions, il n’en a pas fallu davantage pour que le stalking se développe. Tu me vois donc assez confiante sur le potentiel de cette profession, qui permet d’assouvir le voyeurisme qui sommeille en nous sous couvert de faire avancer une enquête ; d’autant que Facebook, dans sa grande bonté, nous incite à « partager » toujours plus. Je ne doute pas qu’elle commence peu à peu à se structurer, et que bientôt, une école de stalking n’ouvre ses portes. Je suis sûre que tu saisis bien, mon petit lapin, les attraits de cette nouvelle profession et ses enjeux. Tu comprendras donc que dès demain, je commence ton initiation par un petit jeu sur l’Ipad, comme tu les aimes : sauras-tu retrouver toutes les traces (pas seulement de doigts, hein) que nous avons laissées à chaque fois que nous avons utilisé la tablette et qu’Apple a stockées ? A toi de jouer, mon fils !
Précision : cette chronique a été initialement publiée sur Le Plus, du Nouvel Obs.
Si vous me permettez une réflexion cinéphile & post-Fukushima …dommage qu’à côté de vos explications = « … stalker (d’un mot anglais signifiant « traquer ») », vous reliez pas « stalking » et « stalker » au personnage emblématique, mystérieux, onirique, prodigieusement post-moderne, etc… du « stalker » (=plutôt « passeur ») du film éponyme, Stalker, -Сталкер- de Andreï Tarkovski (1979, URSS)…!!!voir= http://web.me.com/jonaas17/Site_JONAAS/HuitreJaponTsunami2011D.html(en bas)Félicitation pour votre remarquable blog…si pertinent & plein d’humour…!!!
Si vous me permettez une réflexion cinéphile & post-Fukushima …dommage qu’à côté de vos explications = « … stalker (d’un mot anglais signifiant « traquer ») », vous reliez pas « stalking » et « stalker » au personnage emblématique, mystérieux, onirique, prodigieusement post-moderne, etc… du « stalker » (=plutôt « passeur ») du film éponyme, Stalker, -Сталкер- de Andreï Tarkovski (1979, URSS)…!!!voir= http://web.me.com/jonaas17/Site_JONAAS/HuitreJaponTsunami2011D.html(en bas)Félicitation pour votre remarquable blog…si pertinent & plein d’humour…!!!